EDIMBOURG, ECOSSE - On dirait que c'était hier, c'était un orphelin solitaire mal-aimé, bloqué chez sa détestable famille. Harry Potter, la fierté de Poudlard, a fait un long chemin pendant ces sept dernières années, tout comme sa créatrice.

J.K. Rowling célèbre la sortie de son nouveau livre, "Harry Potter et le Prince de Sang Mêlé", et le week-end dernier, ici au château de Edimbourg en Ecosse, elle a rencontré quelques uns de ses fans les plus hystériques, pour une séance de lecture spéciale. Elle a également parlé avec nous, dans une interview exclusive, des dernières aventures du Survivant.

J.K. Rowling : Harry a réalisé, je crois, qu'ils sont désormais en guerre. Il commence à être vraiment aguerri. Il est maintenant prêt à se battre. Et il veut sa revanche.

La tornade littéraire connue sous le nom de Harry Potter a continué à ensorceler les aspirants au titre de sorcier tout le week-end : les exemplaires de"Harry Potter et le Prince de Sang Mêlé" se sont envolés des rayons plus vite qu'un Vif d'Or.

Pour les adeptes fidèles, cela a marqué la fin de deux longues années à attendre le nouvel Harry. Et pour les libraires, ça a été l’évènement de publication de l'année.

"C'est aussi un grand moment de célébration de la lecture et de l'éducation", a dit Barbara Marcus, vice-présidente exécutive de Scholastic. "Mais c'est le génie de J.K. Rowling qui est derrière toute cette agitation."

On peut dire que J.K. (alias Jo) Rowling est l'auteur aux doigts de fée. Ils pensaient certainement cela à la soirée Potter, vendredi soir. C'était une séance de lecture privée, ce qu'elle fait souvent pour lancer un nouveau livre.

Juste pour cette fois, elle a été suivie d'un questions/réponses réservé exclusivement aux enfants.

Rowling : J'adore ça. Ils posent les questions les plus intéressantes, vous savez? Ils connaissent vraiment les livres sur le bout de doigts. En fait, c'en est au point où j'ai l'impression que je devrais vérifier toute l'histoire. J'ai sorti pour l'instant six tomes et je sens que je devrais revenir en arrière et tous les relire méticuleusement, pour être bien sûre de savoir ce qu'il se passe. Parce qu'on m'a déjà prise en défaut, certaines personnes m'ont posé des questions et j'ai eu droit à des - "Dans quels livres les retrouve-t-on? De qui parlez-vous?"

Appelez ça "Poudlard Paradis", pour ces quelques fans, dont la plupart a gagné le prix de « la traque au Harry ».

Inutile de dire que je me suis senti privilégiée que J.K. Rowling ait accordé à une moldue tel que moi son unique interview télévisée du "Prince de Sang-Mêlé".


Katie Couric : Peu de journalistes adultes ont eu cette chance, et je suis donc vraiment très flattée. Et pourquoi avez-vous choisi de réduire au maximum le nombre de grandes personnes?

Rowling : Principalement parce que je viens juste d'avoir un enfant, pour être tout à fait franche avec vous. C'est la pression du manque de temps. Tout bêtement, je ne pouvais pas inclure une suite d'interviews pendant les, vous savez, les moments où je m'occupe de mon bébé, alors j'ai simplement décidé d'essayer de me focaliser sur les enfants ces temps-ci.

Cette femme de 39 ans originaire d'Angleterre et son mari écossais, Neil Murray, ont eu des enfants ensemble. Ils viennent d'avoir leur deuxième, et Jo a une fille plus âgée, issue de son précédent mariage.

Rowling : Et nous avons aussi un chien fou que votre équipe à croisé tout à l'heure.

Jo dit qu'élever une famille lui a donné de nouvelles perspectives, et a fait de l'écriture une sorte de travail d’amour.

Rowling : J'ai fait une pause, vous vous souvenez, entre la fin de "La Coupe" et le "Phénix". Et je dois dire que depuis que j'ai recommencé à écrire, j'adore vraiment ça. Mais je me stimule un peu mieux.

Couric : Comment faites-vous, dans ce cas?

Rowling : Je pense que du point de vue émotionnel, je me sens un peu plus équilibrée depuis que j'ai recommencé à écrire. Et, pourtant, ma vie est vraiment plus remplie, parce que je me suis remariée et que j'étais enceinte durant la majorité du temps où j'ai écrit le "Phénix". J'étais enceinte pendant la plus grande partie de l'écriture - en fait pendant toute l'écriture de...

Couric : Peut-être que le fait d'être enceinte vous rend plus créative.

Rowling : Eh bien, j'étais aussi enceinte pendant que j'écrivais "Harry Potter à l'école des sorciers", donc effectivement, j'ai écrit la moitié du roman alors que j'étais enceinte, oui.

Couric : Alors peut-être que vous devriez continuer à avoir des enfants.

Rowling : Non, vraiment, Katie, je crois qu'on va s'arrêter là. Ce n'est pas une raison suffisante.

Son éditeur n’est peut-être pas d’accord. Sans compter le tout dernier livre, la série consacrée au formidable, mais jeune et timide sorcier, s’est vendue à 270 millions d’exemplaires, en 62 langues, dont le braille, et a attiré toute une génération de légumes accros à la télévision vers l’art perdu de la lecture.

Couric : Vous vous êtes déjà fait agresser par une armée de jeunes de onze ans ?

Rowling : Quelque chose de très gênant s’est produit l’an dernier. J’étais dans un café à Edimbourg. Je me lève pour aller aux toilettes, puis j’entends un groupe de personnes entrer dans les toilettes en chuchotant. Je n’y pense pas vraiment, et en sortant de la cabine je me retrouve nez à nez avec onze jeunes filles qui ont toutes un papier à la main. Et ce n’est pas très agréable de tomber dans une telle embuscade. Alors c’était… enfin, elles étaient vraiment adorables, mais j’aurais préféré qu’elles attendent que je sorte des toilettes. Je suis un peu prude.

Et en cette septième année, le phénomène n’est pas parti pour diminuer d’intensité. On s’attend à ce que le record de vitesse de ventes établi par L’Ordre du Phénix soit battu par Le Prince de Sang-mêlé.

« Dans toute son histoire, Amazon.com n’a jamais mis en vente autant d’exemplaires d’un produit qu’il n’en a proposés pour le cinquième Harry Potter, a déclaré Jan Baker-Strand d’Amazon.com. Et il faisait presque deux fois la taille du quatrième. »

C’est pourquoi Scholastic, la maison d’édition, a fait imprimer 10,8 millions d’exemplaires du sixième tome ; jamais encore un livre n’avait connu un aussi grand nombre d’impressions.

Couric : Vous avez dit que le premier chapitre de ce livre mijotait dans votre tête depuis treize ans ?

Rowling : Oui, c’est vrai. On découvre beaucoup de choses. Harry découvre tout un tas de choses qui se sont produites dans le passé et qui, espérons-le, s’avéreront utiles pour lui. Je fais attention à ce que je suis en train de dire, voyez-vous, parce que j’imagine déjà tout ça écrit sur des sites de fans, qui analyseront ce que je viens de dire en se demandant : « Mais qu’est-ce que ça veut dire ? ». Ça peut rendre fou.

Sa paranoïa est légitime. Des sites de spoil et des pages volées ont gâché d’autres épisodes. C’est pourquoi, durant les quelques mois précédant la sortie du tome 6, il a fallu prendre des mesures de sécurité extraordinaires, à la fois au Royaume-Uni et à l’étranger, pour s’assurer que les secrets de Harry étaient en sécurité.

Couric : En gros, il y avait des gardes armés partout. Il fallait porter une plaque d’identification. Et un employé a fait une plaisanterie, en disant que jusqu’à présent il n’y avait pas eu de fouille des cavités corporelles.

Rowling : Oh non, personne ne voudrait se le mettre dans une cavité corporelle. C’est un gros livre.

Et pourtant, les rumeurs se sont déchaînées, en particulier après que des sites de jeu basés en Grande-Bretagne se sont mis à prendre les paris sur le destin funeste ou non du directeur de Harry, Dumbledore. Pour ceux d’entre vous qui n’ont pas encore lu le livre, nous n’allons pas vendre la mèche.

Rowling : On dit que Dumbledore est fichu. Mais je vous assure que je n’ai jamais dit qu’un personnage important allait mourir.

Couric : Alors ce n’est pas vrai ?

Rowling : Je n’ai pas dit ça.

Mais même Jo n’aurait pas pu inventer ce scénario pour un Harry Potter : le mois dernier, deux hommes ont été arrêtés pour avoir, paraît-il, essayé de vendre un livre volé à un magazine à scandale britannique. La police a confirmé que l’un d’eux avait été reconnu coupable de possession d’arme à feu.

Couric : Avez-vous parfois l’impression que le monde est devenu fou ?

Rowling : Fou ? Oui, absolument. Enfin, dans l’absolu, qu’est-ce que c’est ? C’est un livre pour enfants. Et c’est ma vie. Ce que je veux dire, c’est que j’ai travaillé très dur dessus. Mais si quelqu’un m’avait dit, il y a quinze ans : « Vous allez publier ça, ça sera très populaire, et il y aura des histoires avec un pistolet »… Je trouve que c’est… c’est surréaliste, vous ne trouvez pas ?

Pendant ce temps, l’argent de Rowling continue d’emplir ses caisses.
Sans parler des livres, les trois premiers films ont rapporté plus de 2,5 milliards de dollars. Et le quatrième opus, Harry Potter et la Coupe de Feu, sort sur les écrans cet automne.


Couric : je sais que vous êtes très modeste en ce qui concerne votre succès. Mais d’un autre côté, Jo, j’ai lu que vous étiez l’une des quatre seules femmes au monde qui ont bâti elles-mêmes leur fortune…

Rowling : Des milliardaires ?

Couric : Non, c’est faux ?

Rowling : Ça va – enfin, vous pouvez vous sentir désolé pour moi, je ne suis pas milliardaire. Quelle tragédie.

Couric : Eh bien…

Rowling : Non, ce chiffre a été publié dans Forbes Magazine.

Couric : Exact.

Rowling : Et j’ai entendu dire qu’ils spéculaient sur tous les futurs gains possibles, tous les anciens gains. Et franchement, ils ont fait des comptes à partir de chiffres qui n’existent pas. Donc, je ne suis pas milliardaire. J’ai beaucoup d’argent, beaucoup plus que je n’en ai jamais rêvé. Mais je ne suis pas milliardaire.

Couric : Ainsi, ce mot ne s’applique pas à vous ?

Rowling : Non, pas du tout. Mais si nous prenons en compte qu’ils ont dû exagérer autant pour les autres femmes, de manière relative, je ne suis pas à plaindre.

Mais Rowling n’a pas oublié sa situation avant qu’elle ne devienne synonyme de gloire et d’argent – moins de dix ans plus tôt, lorsque le seul chèque qui arrivait à la maison provenait des allocations familiales.

Rowling : L’an dernier, quand j’étais enceinte de Mackenzie, Neil et moi étions à l’autre bout d’Edinburgh et nous étions prêts de l’appartement où j’avais fini l’écriture de « Harry Potter à l’Ecole des Sorciers ». Je n’étais jamais retournée là depuis que j’ai quitté cet endroit pour m’installer dans une nouvelle maison. Et j’ai dit à Neil « Tournons à ce coin de rue, c’est là que j’habitais avant »

Et quand j’ai regardé l’endroit, je me suis effondrée en larmes, je ne pouvais plus m’arrêter. Pendant un moment, je me suis retrouvée où j’étais pendant toutes ces années et cela a ramené une vague d’émotions. Je crois que ça m’a vraiment fait comprendre à quel point ma vie avait changé et que, sur tous les points de vue, c’était merveilleux.

Et je me tenais là, je regardais cet endroit et je réfléchissais, c’était presque comme si je voyais mon propre fantôme à la fenêtre et que je pouvais communiquer avec lui : « Tout va bien se passer, tu travailles très dur et tout ira bien. Et ce sera même mieux que bien, ce sera merveilleux. » Je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti en retournant là-bas.

Même si Rowling comprend que tout le monde aime les histoires de pauvres devenus riches, elle maintient que l’épilogue n’est pas toujours celui des contes de fées.

Rowling : C’est une chose dont j’ai toujours eu du mal à parler, surtout quand ça venait juste de m’arriver, et tout le monde pensait que mes sentiments devaient être très simples. Ils voulaient que je dise « J’étais pauvre et malheureuse, aujourd’hui je nage dans l’argent et le bonheur ». Et c’est ce que nous voulons tous entendre des grands gagnants de loterie, par exemple. On veut les voir sauter de joie parce que plus rien n’est compliqué pour eux. En fait, ma vie était très simple, pas de média, pas de pression, c’était simple et c’est devenu compliqué.

Jo nous a dit qu’elle avait déjà commencé l’écriture du tome 7, celui dans lequel la saga Harry Potter devait arriver à son apogée et à sa fin.

Couric : Et si – que Dieu nous en préserve – vous étiez renversée par un bus…

Rowling : Oui, c’est tout à fait possible, je suis quelqu’un de très distrait.

Couric : Est-ce que quelqu’un connaît vos plans pour le tome 7 ?

Rowling : Non

Couric : Personne, vraiment personne ?

Rowling : Non.

Couric : Pas même Neil ?

Rowling : Je n’en parlerais pas – et Neil oublierait ! Vous savez, ce ne serait pas la bonne personne à qui en parler de toute façon. Mais non, personne ne sait. Ce qui est bien, parce que, si je devais me faire renverser par un bus, je détesterais vraiment l’idée que quelqu’un reprenne mon travail. C’est mon bébé.

Et, alors qu’elle attend avec impatience de continuer sa vie littéraire au-delà d’Harry Potter, Jo dit qu’elle va savourer son dernier voyage à bord du Poudlard Express.

Couric : Quand vous aurez fini, et visiblement, il reste encore beaucoup de travail avant cela, serez-vous triste ou…

Rowling : Oh oui ! Ce sera vraiment un adieu très difficile sur le plan émotionnel. Ce sera très dur pour moi. Mais cela doit être fait donc je le ferai. Ca a été une aventure merveilleuse, mais il faut savoir s’arrêter, et je sais quand c’est le moment : ce sera à la fin du tome 7.

Couric : Ca doit pourtant être terrifiant de se demander ce qu’on va faire après.

Rowling : Non, c’est libérateur. Vraiment. Oh oui ! Le monde m’appartient et je peux faire tout ce que je veux.

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Interview traduit par Littlecoffe, Hedwige et Pattenrond.
Version originale en anglais disponible sur le site de Quick Quote Quill .

 

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